lunedì 12 marzo 2012

La mentalité de la plupart des détenus - Par Belgrado Pedrini


En prison, j’ai assisté plusieurs fois à la même scène, la raconter peut surprendre. Cette scène se déroule lorsque certains prisonniers, surtout ceux qui ont subi les condamnations les plus longues, sont renvoyés dehors à la fin de la peine : parvenus au seuil de la porte, ils n’osent pas sortir. Ils voudraient rester, n’ont pas le courage d’affronter la liberté, n’ont pas le courage de réapprendre à vivre dans la société du « dehors ». Du reste, la majeure partie des détenus, après quelques mois de détention, est disposée à faire n’importe quoi pour vivre un peu mieux la prison.



Quelques-uns sont même disposés à torturer, violer, infliger des sévices ou sodomiser d’autres détenus pour faire le beau devant la direction et recevoir en échange d’infimes privilèges. Avec ou sans privilèges, ils restent malgré tout des galériens enchaînés. Ils finissent souvent même par se faire détester des gardiens par leur façon d’agir. En conclusion, je peux affirmer que le détenu qui doit purger une longue peine s’adapte en général à son milieu. Comme sa nouvelle maison est la prison, il essaie de trouver la position la plus commode possible. Pour atteindre un but mesquin de ce genre, il est disposé à se vendre complètement à la matonnerie, à la direction et au prêtre.

Tout ce qu’un détenu peut faire, du lèche-bottes à la plus vile lâcheté, ne relève pas selon moi seulement du fait qu’un individu est dépourvu de personnalité marquée ou d’une certaine fierté morale, et dont le seul sens critique ne dépasse pas la dimension de son étroite situation personnelle. Le lèche botte auquel se livre ce genre de prisonnier arrive au point où il devient et se pense semblable à un gardien jusque dans sa psyché, un gardien sans uniforme ni casquette, un gardien en pyjama à rayures. Les détenus qui tentent de s’évader sont si rares qu’on n’y croirait même pas. Ils sont vraiment l’exception.

Pour 1 détenu sur 100 qui pense ou prépare une évasion, 99 autres sont immédiatement disposés à le trahir, à en informer la direction. La majeure partie des détenus, préfère lécher les bottes, rendre de petits services au directeur et au prêtre, et être ainsi un peu mieux lotie, plutôt que de risquer sa peau en sautant le mur, puis en prenant le risque de ne pas pouvoir survivre à l’extérieur en liberté. Car dehors, il n’est alors pas facile de se faire oublier.

Imaginons en plus les problèmes que rencontre l’évadé quand il n’a pas beaucoup de relations et cherche un moyen de changer de vêtements et de manger. Ce sont de grandes difficultés, surtout pour celui qui est illettré, inculte, acritique et pas sûr de soi. Pensez bien que le premier obstacle pour un prisonnier abruti par l’enfermement, s’il voulait s’enfuir, est celui d’organiser sa propre fuite. Seulement, pour cela, il faut être rationnel, avoir une capacité organisatrice et du sang-froid. Il ne suffit pas de lire Le comte de Montecristo en bandes dessinées pour pouvoir ensuite mettre au point un plan d’évasion.

Il faut aussi dire qu’un compagnon, un idéaliste, un anarchiste, n’est en général pas très atteint par la prison. Sa maturité le rend en fait plus fort. Sa tête est décidément critique et évolutive. S’il décide d’essayer de s’évader, il sait ce qui l’attend dehors : ses compagnons, ses vrais amis et surtout une solidarité militante.

Pour un détenu commun, au contraire, il n’existe à l’extérieur, dans la meilleure des hypothèses, que le milieu de la malavita avec ses lois, ses demi-comparses, ses faux mythes et sa logique.

Conclusion : celui qui survit le mieux en prison est celui qui vit dans l’espoir continuel de pouvoir en sortir le plus tôt possible et par tous les moyens, légaux ou illégaux. Les autres s’abrutissent, se dénaturent complètement, deviennent dans le meilleur des cas des morts vivants, ou au pire des grandes oreilles, des bibelots, des ustensiles, des prisonniers de la direction, du prêtre et de l’Etat.

Belgrado Pedrini.

[Chap.10, La mentalité de la plupart des détenus, de B. Pedrini, " Nous fûmes les rebelles, nous fûmes les brigands..." (éd. Mutines Séditions, 144 p., novembre 2005), pp. 85-86]

http://mutineseditions.free.fr/


http://www.non-fides.fr/?La-mentalite-de-la-plupart-des

Nessun commento:

Posta un commento