venerdì 17 febbraio 2012

Les Lois Scélérates de 1893-1894 Par Emile Pouget (1899)


Un léger frisson troubla la quiétude des majorités, d’ordinaire si sereine d’inconscience, le jour où les « lois scélérates » furent inscrites dans le Code. Mais bientôt chacun, dans son for intérieur, se morigéna et, afin de n’avoir pas à s’indigner de tout l’arbitraire que ces lois nouvelles faisaient prévoir, se fit une raison : « A quoi bon s’effrayer ? Les lois scélérates étaient un tonnerre de parade. On allait reléguer ça dans le magasin aux accessoires légaux et elles ne seraient guère qu’un croquemitaine pour grands enfants... croquemitaine d’apparence rébarbative, mais en réalité bénin, — bonne pâte, carton-pâte. » Les faits ont formellement démenti cet optimisme hypocrite : les lois scélérates ont été appliquées, — le sont encore. Pour l’établir, il me suffira de résumer les condamnations prononcées depuis quatre ans.



On peut lire plus haut l’historique et exposé le mécanisme des Lois scélérates : celle du 12 décembre 1893 contre la presse ; celle du 18 du même mois, sur les associations de malfaiteurs, qui atteint l’individu dans ses relations ; celle du 28 juillet 1894, sur les menaces anarchistes, qui frappe l’isolé assez imprudent pour rêver tout haut, et qui ajoute la relégation au châtiment principal.

L’acte d’Étiévant, directement provoqué par cette loi de relégation, suffirait seul à la condamner.

Étiévant sortait de prison : il écrivit un article, saisi en manuscrit aux bureaux du Libertaire, au cours d’une perquisition. Cet article, M. Bertulus en prit connaissance et !e rendit aux rédacteurs du Libertaire avec une moue mi-aimable, mi-dédaigneuse : « Ce n’est pas si raide que cela !... » L’article parut (n’avait-il pas l’estampille du juge d’instruction ?) et le même juge d’instruction poursuivit.

En police correctionnelle Étiévant fut condamné, par défaut, à cinq ans de prison, plus la relégation. Ceci on en conviendra, ne manquait pas de « raideur ». Cette peine de la relégation fut infligée à l’accusé sous prétexte que sa condamnation de 1892 l’en rendait passible..., en vertu de la loi de juillet 1894.

Un point de droit absolu est que les lois n’ont pas d’effet rétroactif. Donc, strictement, Étiévant n’était pas reléguable.

On sait le reste : l’exaspération du condamné, son acte, son arrestation...

Est-il absurde de conclure que si les juges d’Étiévant s’étaient bornés à la simple application de la loi — déjà si draconienne ! — leur victime n’eut pas été incitée... à sortir de la vie en faisant claquer les portes ?

Ces magistrats n’ont d’ailleurs pas seuls renchéri sur le texte légal. Bien d’autres ont dédaigné le principe de non-rétroactivité, et nous les verrons à l’œuvre.

A peine la loi sur les associations de malfaiteurs était-elle promulguée que le parquet d’Angers, fin décembre 1893, faisait procéder à une quarantaine de perquisitions et d’arrestatations pour aboutir, fin mai 1894, à poursuivre pour entente une demi-douzaine d’individus, accolés au hasard des malechances.

De ces six, qui subirent le baptême de la loi sur les associations de malfaiteurs, deux furent acquittés (Mercier et Guénier) et quatre, condamnés : Meunier, à sept ans de travaux forcés et dix ans d’interdiction de séjour ; Chevry, à cinq ans de travaux forcés et dix ans d’interdiction de séjour ; Fouquet [1], à deux ans de prison ; Philippe, à cinq ans de prison avec application de la loi Bérenger.

De charge contre ces hommes, — aucune, absolument aucune. L’acte d’accusation, qui serait à publier en entier, est un monument de sottise.

Une des plus grosses charges sur lesquelles le Laubardemont angevin insiste, est l’organisation d’une soirée familiale publique où l’on dansa chanta, prononça de violents discours... Tellement violents que le commissaire de police, présent à cette réunion, du début à la fin, ne fut en rien offusqué : il fit son rapport coutumier et aucun des orateurs ne fut inquiété. Mieux encore : cette soirée familiale avait eu lieu le 15 octobre 1893, deux mois avant la loi de décembre, et c’est au mépris de la non-rétroactivité qu’elle allait devenir une preuve d’association de malfaiteurs.

« Vous assistiez à la soirée familiale ! » dit gravement l’acte d’accusation à Mercier, Chevry et autres. A Philippe, il reproche d’avoir loué le local où se tint cette réunion et de l’avoir pittoresquement décoré : aux murs, des dessins et des allégories, au plafond, une marmite transformée en quinquet à pétrole.

C’est lui qui a organisé les fêtes familiales. On a trouvé chez lui la photographie de Ravachol ; on y a également trouvé des chansons anarchistes collées sur carton, destinées à être suspendues le long des murs pendant les réunions...

A la date du 15 février 1894, on a saisi à la poste d’Angers, avec l’adresse de Philippe, un paquet d’une vingtaine de placards...

Philippe étant sous les verrous, le juge d’instruction s’empara du paquet. Le vrai destinataire en eût-il pris livraison qu’il n’en découlerait pas qu’il fît partie d’une association de malfaiteurs, — et il n’avait rien reçu !

C’est tout ce que l’accusation lui reproche.

Contre Chevry, moins encore : le 22 décembre au soir, la police l’arrête et le trouve porteur de placards anarchistes, d’un pot à colle et d’un pinceau ; il est remis en liberté et ce n’est que plus tard qu’on l’incrimine de ces chefs. L’acte d’accusation est catégorique.

Aucun fait nouveau n’a été relevé contre lui depuis la tentative d’affichage du 22 décembre dernier, mais il est certain qu’il était un des habitués des réunions tenues chez Philippe...

Cela, et rien autre ! a été suffisant pour que l’on condamnât ce malheureux à cinq ans de travaux forcés.

Contre Meunier, le plus rigoureusement frappé, — sept ans de bagne ! — les charges sont aussi peu sérieuses. Je cite toujours l’acte d’accusation :

Meunier s’est trouvé compris dans l’information suivie à Angers à la suite de la lettre écrite par lui de Brest a Mercier (l’un des acquittés le 31 décembre dernier. Il avait à Angers, depuis longtemps, la plus détestable réputation.

Des renseignements recueillis sur ses antécédents, ses propos déclamatoires et la correspondance saisie au domicile de ses parents le représentent comme un esprit mauvais, dévoyé, ennemi par principe de toute autorité, dénué de sens moral, imbu des idées les plus fausses sur tout ce qui touche à l’organisation de la famille et de la société. Il suffit de se rendre un compte exact de ses aspirations, de lire ses sommaires proposés pour ses conférences...

Mais il y a la lettre, qui l’a fait impliquer dans le procès. La voici textuelle :

31 décembre 1893.

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http://www.non-fides.fr/?Les-Lois-Scelerates-de-1893-1894

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