
En Chine, un village d’Indignés
Le Point.fr, 14/12/2011 à 20:37
Totalement coupés du reste du pays par la police, des milliers de paysans chinois se révoltent contre le gouvernement.
Le village de 13 000 habitants manifeste depuis septembre pour récupérer ses terres expropriées par les autorités.
Il existe en 2011 un village peuplé d’irréductibles Chinois. Située au sud de la Chine, dans la province industrielle du Guangdong, la localité côtière de Wukan est, depuis plusieurs semaines, le théâtre d’une lutte pour le moins inédite. D’après le New York Times, près d’un millier de policiers encerclent le village de 13 000 habitants, devenu en quelques semaines le symbole du combat des paysans chinois contre leur gouvernement. Tout commence en septembre dernier, lorsque les habitants de ce village de bord de mer se voient confisquer leurs terres par Pékin, pour être ensuite revendues à de riches promoteurs immobiliers.
Un procédé d’autant plus illégal qu’il n’est suivi de la moindre compensation. Furieux du sort qui leur est réservé, des milliers de "Wukanois" descendent alors dans la rue. Mais les manifestations dégénèrent. Des voitures de police sont détruites, des immeubles gouvernementaux saccagés. Après deux journées d’émeutes sans précédent, la police est déployée, et la révolte étouffée. Or, fait rare dans l’empire du Milieu, les autorités vont néanmoins accepter de négocier avec les villageois, à condition qu’ils nomment un groupe de 13 représentants. Parmi eux, Xue Jinbo, un boucher de 42 ans.
"Forces étrangères"
Or la proposition gouvernementale n’était qu’un leurre. Très vite, un responsable local accuse les nouveaux représentants de complicité avec "des forces étrangères cherchant à créer des divisions entre le gouvernement chinois et ses villageois". Les manifestations reprennent de plus belle. Mais, une nouvelle fois, Pékin a tout prévu. Pour éviter toute contamination de la gronde sociale au reste du pays, la police dresse un blocus autour du village, tandis que d’autres de ses membres en civil parviennent à s’infiltrer à l’intérieur du village.
L’assaut est lancé, et cinq représentants, dont le boucher Xue Jinbo, sont enlevés. Deux jours plus tard, c’est avec effroi que les paysans apprennent son décès. D’après l’agence officielle Chine nouvelle, l’un des seuls médias à évoquer les troubles, le villageois est mort d’une "défaillance cardiaque", d’autant plus qu’"aucune trace apparente de violence" n’a été constatée sur son corps. Des proches affirment pourtant avoir retrouvé la victime avec des contusions sur les genoux, des narines maculées de sang et des pouces cassés.
"Made in Wukan"
"Nous supposons que les menottes ont laissé des marques sur ses poignets, et que les légères contusions sur les genoux sont des au fait qu’il était agenouillé", s’est contenté de répondre le chef adjoint du centre de médecine légale de l’université Zhongstan, selon Chine nouvelle. Une version qui n’a pas convaincu la population de Wukan, qui a immédiatement repris son mouvement de protestation, déterminée à aller jusqu’au bout. "Nous voulons que le gouvernement central (à Pékin) s’occupe de notre problème. Nous n’abandonnerons pas la lutte, nous voulons que les cadres corrompus soient arrêtés", a annoncé un manifestant, qui a requis l’anonymat, à l’AFP. D’après le New York Times, les frondeurs s’attelleraient désormais à dresser des barricades et se défendraient avec des armes "made in Wukan".
Mais, face à eux, les autorités ont décidé d’employer les grands moyens. Pour "assurer la stabilité", la police, les forces anti-émeute ainsi que les pompiers sont désormais déployés autour du village avec des canons à eau. Pékin compte ainsi affamer sa population, pour la forcer à se rendre. Mais celle-ci peut néanmoins compter sur les dons de nourriture en provenance de villages voisins. Dès lors, le gouvernement a annoncé que le corps du boucher décédé ne serait remis à sa famille que lorsque les protestations cesseront. Totalement isolé du reste de la Chine, le village rebelle l’est également sur Internet. En effet, il n’existe sur la Toile chinoise aucune trace de Wukan.
Un village d’irréductibles Chinois coupé du monde
AFP, 14/12/2011 à 12:21
Dans le sud de la Chine, les 13.000 habitants de Wukan, en lutte contre des expropriations forcées, sont encerclés depuis une semaine par un millier de policiers.
Isoler pour mieux mater la contestation ? Près de 1000 policiers sont déployés depuis près d’une semaine autour du village de Wukan, dans le sud de la Chine, dont les 13.000 habitants protestent contre des expropriations forcées.
Les habitants de ce village de la province du Guangdong accusent depuis plusieurs mois les autorités locales de saisir leurs terres sans offrir de compensations. Celles-ci affirment au contraire suivre la procédure légale.
Depuis jeudi, un nombre croissant de policiers maintient donc un blocus autour du village, où les habitants poursuivent leurs manifestations quotidiennes. Les autorités ont indiqué que la police anti-émeute et les pompiers ont été déployés avec des canons à eau afin d’« assurer la stabilité ».
Elles assurent par ailleurs avoir réglé certains des litiges à l’origine des troubles et avoir révoqué deux responsables locaux. Mais la tension est montée d’un cran dimanche lorsqu’un homme, arrêté en septembre après avoir pris la tête de manifestations ayant dégénéré, est mort en détention. Les autorités assurent qu’il est décédé de cause naturelle, tandis que les villageois accusent la police de l’avoir battu à mort.
« Nous avons encore un peu d’eau et de nourriture »
Malgré le blocus, les villageois se disent déterminés à ne pas céder. « Nous voulons que le gouvernement central s’occupe de notre problème. Nous n’abandonnerons pas la lutte, nous voulons que les cadres corrompus soient arrêtés », a déclaré un homme par téléphone, sous le couvert de l’anonymat. « Nous avons encore un peu d’eau et de nourriture, mais plus pour longtemps », a-t-il ajouté. « Toutes les entrées (du village) sont bloquées et seulement quelques femmes et enfants ont le droit de passer après avoir été questionnés. La présence des journalistes est absolument interdite », a témoigné un autre habitant. Un photographe de l’agence France-Presse a d’ailleurs été appréhendé à un poste de contrôle, puis ramené sous bonne escorte dans la métropole de Shenzhen, à 250 km de là.
Le cas de Wukan est symbolique d’un pays où les expropriations sont devenues un problème aigu. De plus en plus de paysans accusent en effet les cadres locaux corrompus de s’enrichir sur leur dos en revendant leurs terres à des promoteurs pour des projets de construction. Sans surprise, la presse chinoise est extrêmement discrète sur les événements de Wukan, et les recherches sur Internet avec le nom du village ont été bloquées par les censeurs.
Wukan, le village chinois rebelle ne décolère pas
RFI, mercredi 14 décembre 2011
C’est un village désormais totalement isolé du reste de la Chine. Réseau internet coupé, cordons de policiers aux entrées, depuis dimanche Wukan ne décolère pas. Ce petit village de pêcheurs situé dans la riche province du Guangdong est en proie aux manifestations depuis septembre 2011. Une partie des près de 20 000 habitants contestent les expropriations dont ils ont fait l’objet depuis 1998. Et depuis dimanche, ils accusent les forces de l’ordre d’être responsables de la mort de l’un de leur représentants
« A bas la corruption », « A bas les corrompus ». Ce n’est plus un village, c’est un calvaire. Pas un poteau, pas une grille, pas un bâtiment de Wukan aujourd’hui où ne figure cette photo en noir et blanc, celle de Xue Jinbo, l’un des treize représentants désignés par les villageois pour négocier avec les autorités.
Arrêté le 8 décembre 2011 après les manifestations, Xue Jinbo est officiellement mort à l’hôpital d’une crise cardiaque dimanche 11 décembre. Une thèse qui a immédiatement déclenché la fureur de la population. « Le corps de notre père portait des ecchymoses, ses joues étaient gonflées », ont redit ce mercredi ses deux enfants qui accusent les policiers de mauvais traitements.
Toute la journée, une musique de deuil a été diffusée dans les haut-parleurs de Wukan. Assis en tailleur, poings levés, des milliers de villageois ont crié leur colère. Les autorités et les familles riches ont déserté. Wukan, le village portuaire, est désormais totalement encerclé.
Pour étouffer la contestation, les livraisons de riz et d’eau ne sont plus permises mais les habitants disent pouvoir tenir une dizaine de jours avec les vivres sur le marché. Selon les manifestants, les fonctionnaires auraient saisi illégalement plus de 400 hectares de terre depuis 1998. « Nous ne bougerons pas tant qu’ils ne les auront pas rendues », déclarait ce matin un internaute.
http://cettesemaine.free.fr/spip/article.php3?id_article=4578

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